LFPG CDA — DSNA-nkenstein ou le Prométhée moderne

La Réserve Opérationnelle est apparue avec la crise sanitaire. Elle est devenue, depuis, avec le compte-temps associé, LE grand projet de la DSNA, passé en force lors du CT DSNA du 12 novembre. Malgré deux votes unanimes contre en CT local, le chef d’organisme a annoncé sa mise en oeuvre dès le 1er janvier, le compte-temps devrait quant à lui débuter le 17 février.
La RO : un dispositif sanitaire…
Alors que la crise sanitaire de la COVID-19 frappait la France de plein fouet, que le trafic chutait chaque jour, et que les consignes gouvernementales se durcissaient, il est rapidement apparu que les TDS et schémas d’armement n’étaient pas adaptés à la gestion de la crise.
Le dispositif de Réserve Opérationnelle est alors apparu, permettant aux responsables de site d’assurer la nécessaire continuité du service, et de garantir aux agents une gestion sanitaire adaptée, face à un virus alors inconnu.
La RO était un dispositif nécessaire pour que les ICNA puissent appliquer les consignes gouvernementales de limiter les déplacements domicile-travail au strict nécessaire.
… Qui devient un monstre
Ce n’est qu’en juin, après la première vague, que la RO a été complètement détournée de sa vocation d’origine pour devenir le projet fou d’une DSNA décomplexée.
Alors qu’il était clair que le trafic n’allait pas remonter aussi rapidement qu’il avait baissé, la DSNA, plutôt que de mettre à profit les compétences des contrôleurs aériens en détachant massivement ou en proposant des missions hors-salle, s’est attelée à construire un dispositif comptable qui n’a d’opérationnel que le nom.
Le projet a été annoncé en juin, puis, tout l’été, des GT nationaux se sont tenus. Bien qu’ouverts à toutes les organisations syndicales, le SNCTA était la seule OS présente à ces réunions pour défendre les contrôleurs aériens.
Alors que la DSNA était fermée à toute évolution majeure du texte, l’action du bureau national du SNCTA au niveau ministériel a permis de borner ce dispositif RO au 31 décembre 2023, imposant dès lors un point de revoyure.
Malgré quelques modifications du texte initial, l’administration a finalement présenté en CT DSNA un texte toujours inacceptable, incohérent, injuste envers les contrôleurs et qui ne répond en rien à la crise actuelle du secteur aérien.
Le SNCTA a voté contre, rejoint par toutes les autres OS. Comme le permet le dialogue social dans la fonction publique, l’administration a organisé dans la foulée un deuxième CT. Après un nouveau vote contre unanime des OS, elle a choisi de passer en force et de mettre son monstre en oeuvre : la Réserve Opérationnelle et son compte-temps associé.
COVID-19 : deuxième vague
La COVID-19 est cependant venue embarrasser le plan de l’administration. Comment considérer que les contrôleurs puissent être redevables de jours, alors que le gouvernement demande à nouveau formellement de limiter au maximum les déplacements en transport en commun et de favoriser le télétravail ?
Pour le SNCTA, cela était tout bonnement inacceptable. Le bureau national a donc demandé à la DGAC et à la DSNA que le dispositif de compte-temps ne s’applique pas pendant toute la durée de l’état d’urgence sanitaire.
La DSNA a finalement accepté de rétablir la RO d’origine, « sanitaire », sans compte-temps associé, appelée Réserve Opérationnelle Exceptionnelle (ROE), jusqu’au 17 février 2021. Si l’état d’urgence sanitaire est prolongé, le SNCTA sera vigilant à ce que la mise en oeuvre du compte temps soit également décalée.
Et après ? Le dispositif imaginé par la DSNA.
Bien que la mise en oeuvre du compte-temps soit décalée, l’organisme de CDG n’a pas attendu pour convoquer deux CT locaux, nécessaires avant toute mise en oeuvre locale du dispositif.
Le SNCTA, opposé au dispositif passé en force par la DSNA, n’a pas relâché ses efforts pour essayer de faire évoluer le texte applicable à CDG, en démontrant toutes les faiblesses de cette vision comptable pour le centre moteur de la DSNA, qui a besoin de l’expertise des contrôleurs pour mener un grand nombre de projets hors-salle.
Cependant, force est de constater que le texte de l’administration reste une usine à gaz qui ne répond pas aux enjeux. Avez-vous compris la NDS 41/20 ? Nous allons tenter de vous en expliquer les grandes lignes :
Création du « Besoin en Vacations (BV) »
Les RO visent à « traiter les éventuelles surcapacités avérées (…) afin d’utiliser au mieux les compétences des contrôleurs aériens ». Ce que ne dit pas cette phrase, c’est que la DSNA a, en plus, décidé de reprendre la main sur l’effectif opérationnel. Lors du CT local, l’administration a ainsi présenté les BV « stratégiques » pour l’année à venir, soit le nombre de contrôleurs devant être présents sur chaque vacation. Ces BV « négociés » ne sont cependant qu’un affichage hypocrite.
Il sera en effet possible, pour le chef de service, unilatéralement et à volonté, jusqu’à 5 jours après la date limite de dépôt des congés, de revoir ce BV, à la hausse ou à la baisse. Ce chiffre pourra encore être revu, à la hausse uniquement, jusqu’à J-1 17h, occasionnant instabilité du planning des contrôleurs et un énorme casse-tête pour les chefs de site, qui se retrouveront quotidiennement tributaires des arbitrages du service avant de connaitre le nombre de personnes finalement présentes en salle.
De plus, alors que l’arrêté 2002 est clair sur la nécessité d’avoir des temps de pause définis structurellement, notre encadrement souhaitait pouvoir s’en passer, prétextant des pauses dynamiques décidées le jour J… avec en tête la possibilité de pouvoir diminuer les BV sans conséquence sur le trafic ! Impensable pour le SNCTA, qui a finalement fait acter la nécessité d’avoir, clairement, un schéma d’armement adapté au tour de service en vigueur.
Il est inenvisageable qu’un BV dégradé par le SE entraine des pauses dynamiques en salle de contrôle. Les règles de l’arrêté de 2002 doivent s’appliquer.
Le SE a cependant lié cet impératif réglementaire à un dogme local connu de longue date, qu’il peine à justifier… Une grille de tenue de position a posteriori. Pour le SNCTA, ce procédé montre, une fois encore, la volonté de la part de notre administration locale de remettre en cause l’entièreté de l’organisation du travail des contrôleurs aériens à CDG.
Alors que les CA/CT subissent déjà les BV choisis par le service, ce dernier semble également vouloir leur compliquer la tâche dans le cas où il faudrait rappeler une RO le jour J ! En effet, il leur faudra remplir un formulaire, appeler l’IPO, sans oublier de remplir EPEIRES, au milieu des orages, de la neige ou d’une gestion RH complexe bien sûr…
Les Réserves Opérationnelles
5 jours après le dépôt des congés, à J-20, le SE donnera aux équipes le nombre de contrôleurs devant être en RO, selon la formule nationale suivante :
Les CA, assistants de sub, experts opérationnels, ne sont jamais inclus dans le calcul du nombre de RO. Les QICA en maintien de compétence tour, sur une vacation d’équipe entière, seront par contre ajoutés à l’effectif et pourront générer de la RO.
Nommées… Ou désignées !
L’équipe a ensuite 5 jours pour donner le nom des personnes en Réserve Opérationnelle. Si elle ne le fait pas, à J-15, le service nommera des PC en RO selon ses critères présentés dans la NDS.
Un agent placé en RO pourra décider de poser un congé ou une journée de récupération s’il en dispose : si le quota d’absence reste respecté (4 pour une équipe de 14, 5 pour 15…), ce congé ou cette récupération est accordé sans possibilité de refus par le service. Si c’est au-delà du quota d’absence, l’accord sera donné à J-1…
RO hors-site
Un agent en RO qui n’a pas d’activité hors-position de contrôle est en RO hors-site. Dans ce cas, il est appelable jusqu’à J-3 par le chef de service pour être en RO sur site (cf. ci-dessous), jusqu’à J-1 17h par le chef de service pour venir travailler sur sa vacation le jour J, ou le jour J entre 1h30 avant et 3h après la vacation par le CA ou le CT.
Pourquoi ce créneau horaire de 4.5h ? Rien d’opérationnel, il permet par contre de générer une « dette » de temps de travail, pur produit comptable, si le contrôleur n’a pas été rappelé !
Cette dette sera ainsi matérialisée dans le compte-temps par un « débit » de 0,5 jours s’il n’est pas rappelé.
Le DSNA s’est engagée à ce que le service fournisse un téléphone de fonction pour être rappelable quand l’agent est placé en RO hors-site… Mais, lors du CT local, le chef d’organisme a annoncé que seuls 2 téléphones par équipe seraient fournis. Qui seront les heureux élus ?
RO sur site
Un agent en RO sur site est présent à CDG pour réaliser une activité hors position de contrôle, compatible avec la RO. Les horaires de cette activité doivent être inclus dans les horaires de la vacation d’origine. En effet, l’agent en RO sur site est rappelable le jour J sur la durée de son activité (ni avant, ni après) avec un temps de pause de 30 minutes.
Cette RO ne débite pas de jour dans le compte-temps.
Le SNCTA défend que toutes les formations liées à la FC, y compris l’anglais, ainsi que toutes les formations nécessaires à la carrière et les réunions nécessitant l’expertise contrôle soient incompatibles avec la RO sur site.
Les activités compatibles RO seront, par essence, potentiellement annulées, et non réalisées. Pour le SNCTA, toutes les formations continues ou réunions nécessitant de l’expertise contrôle ne peuvent donc pas rentrer dans ce cadre !
Le compte-temps
Voilà la mesure la plus inique, à l’encontre de toute conscience de notre métier, toute logique opérationnelle, celle que la DSNA ne veut pas afficher comme une révolution mais qui est le véritable objectif du dispositif.
Ce compteur a pour but de matérialiser, selon les propres dires de notre chef de service, « l’inefficacité de l’organisation du travail des contrôleurs ».
Seront intégrées dans ce compte-temps :
En fin d’année, un bilan individuel des compte-temps sera réalisé, centralisé puis remonté à la DO. Pourquoi, si ce n’est piloter les effectifs ICNA et les affectations, et à terme attaquer notre organisation ?
Chaque début d’année, les JRH (journées compensant des tours de service dépassant 32h, pour l’instant 0 à CDG) sont ajoutés au solde de l’année passée. Si le résultat est négatif, le compte-temps débute à 0.
Considérer qu’une « dette » de temps sur l’année N peut impliquer la perte des JRH de l’année N+1, compensant des dépassements horaires à venir, montre une méconnaissance totale pour notre métier et l’impératif de gestion de la fatigue.
Un agent ne pourra poser une récupération (faisant suite à une activité sur un jour de repos) que si son compte-temps est positif. Cependant, afin « d’encourager » les contrôleurs à participer à certains GT ou réunions que l’administration souhaite voir avancer, le service pourra les qualifier de « dérogatoires ». Pour ces réunions, toute récupération obtenue pourra être posée dans les trois mois, quel que soit le solde du compte-temps.
Alors que le SNCTA avait demandé en CT à avoir un tableau clair des activités (compatibles ou incompatibles RO, dérogatoires ou non, temps de préparation/compte-rendu éventuel), l’organisme a botté en touche, renvoyant le débat à plus tard. Préfère-t-il diviser pour mieux régner, en valorisant arbitrairement certains groupes plus que d’autres ? Attend-il la réaction de la salle pour donner quelques récupérations dérogatoires ou y aura-t-il, enfin, une volonté de limiter les affronts pour préparer l’avenir ? La balle est dans le camp du service.
Les contrôleurs apprécieront l’énergie déployée par notre administration pour imaginer ce système, le mettre en place et l’appliquer. Si seulement il y en avait eu autant pour concevoir et déployer nos nouveaux outils de travail !
La DSNA, soutenue par les politiques, utilise la crise sanitaire pour imposer aux contrôleurs un système comptable, incompréhensible et vexatoire. Le SNCTA s’assurera que le nombre de contrôleurs présents permette de rendre nos services en toute sécurité, et soutiendra toute action des responsables opérationnels en ce sens.
L’organisme de CDG semble aller, comme à son habitude, encore plus loin. L’administration ne devra pas s’étonner de voir la motivation et l’investissement des contrôleurs s’effondrer face à de telles mesures.
LFPG — CDA 204 RO (0.3 MiB)