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COMTEC CDA - Projet RTC Blagnac : crash ou remise de gaz ?

01 mars 2023

En début d’année 2022, la DSNA a passé un marché avec l’industriel Frequentis pour l’acquisition du matériel de visualisation déportée afin de contrôler à distance le terrain de Tours Val de Loire. But avoué ? Ouvrir, début 2024, le premier remote tower center (RTC) de la DSNA incluant, outre le contrôle déporté de LFOT, celui de 4 autres terrains dont les noms sont (toujours !) inconnus à ce stade. Lieu ? Blagnac où la DGAC possède un bâtiment à aménager d’une surface de 600 m2. Le SNCTA avait commenté le GT DAT du 7 janvier 2022 dans une communication intitulé « Le grand bazar du RTC Blagnac ». Depuis ? Aucune concertation, des besoins contrôle escamotés et une trajectoire de projet plus qu’incertaine.

Une exploration sans le moindre guide

Le SNCTA n’a de cesse de le répéter, le « remote control » est une révolution que la DSNA n’a encore jamais réussi à mettre en service : abandon d’un certain nombre d’opportunités, échec à Saint-Pierre-et- Miquelon, difficultés à Cannes pour l’héliport de Quai du Large. Aucun retour d’expérience de ces projets n’a à ce jour été réalisé. En janvier 2022, le SNCTA écrivait déjà : « le RTC revêt une dimension technique majeure mais pas uniquement : le social, le règlementaire, l'acceptabilité et la formation sont autant d'éléments qu'il faudrait traiter de front sans tarder. » Un an après, le SNCTA peut le réécrire. De promesses en promesses, des réunions sur des sujets tels que celui des critères de détermination des terrains qui accompagneront Tours ou celui sur la structure de la MU ZZ ne se sont toujours pas tenues. On subodore donc l’absence de coordination entre les services centraux (DO ou SDRH) et une cellule projet, quasi seule à bord, qui ne voit le RTC que sous son angle technique. Le seul sujet règlementaire, traité de façon unilatérale par SDRH formation, consiste à fixer à 2, le nombre de MU maximum exercées par un contrôleur du futur RTC.

De toute évidence, ce projet, cadeau empoisonné de l’ancien DSNA, n’a pas encore été intégré dans la nouvelle stratégie DSNA. En témoigne l’embarras de l’échelon central à l’occasion d’une question du SNCTA sur le sujet en plein CT DSNA de mai 2022. Il apparait du coup difficile pour les contrôleurs, de se projeter dans un projet qui semble ne pas avoir de boussole correctement étalonnée par la Direction : la navigation semble se faire à vue, au jour le jour.

Et si on partait du commencement ?

Lors du dernier GT DAT du 7 janvier 2022, le SNCTA s’était étonné que la DSNA soit incapable d’expliquer quels types de service allaient être rendus dans le RTC et quelles hypothèses de travail allaient guider ce projet : un contrôleur travaillera-t-il sur la base des horaires ATS actuels avec le trafic actuel ? Ouvrira-t-il les services du contrôle autour des horaires des vols commerciaux à un endroit en changeant de terrains plusieurs fois dans la journée ? Qu'en sera-t-il des vols d'affaire et de l'entraînement IFR ? Est ce que le trafic VFR sera exclu ou restreint ? Qu’est ce qui a conduit à certains choix techniques ? Sur ce sujet également, un an après, personne n’est capable de répondre à ces questions basiques. De la même façon, le manque de coordination avec le gestionnaire du terrain de Tours semble patent : LFOT, concerné par de multiples activités, drones et écoles de pilotage en particulier, est plus complexe qu’il n’y parait. Ce constat tend à montrer que les besoins locaux sont mal intégrés au projet global.

Un bâtiment pour qui ? pour quoi ?

L’aménagement du bâtiment de Blagnac, censé accueillir 6 positions RTM (Remote Tower Module) dans le RTC, est à l’étude. La logique voudrait que les personnels utilisateurs soient sondés sur le cadre de vie (chambres, salles de vie, cuisine) au moment de lancer les travaux et qu’on ait déterminé au préalable le nombre de personnels à terme dans l’organisme puis l’organigramme de celui-ci pour construire la surface de bureaux adéquate. Il faut croire que seule compte une hypothétique dead line d’ouverture de la salle de contrôle au premier trimestre 2024 : personne n’a discuté de ces sujets avec les personnels et leurs représentants… qui n’ont par conséquent aucune idée des aménagements envisagés. Au-delà de ce sérieux défaut de concertation, le SNCTA continue de s’étonner du fait que l’une des problématiques majeures ait été celle du bâtiment… ce qui a fini par contraindre le reste des sujets.

L’expertise contrôle ?

Les contrôleurs de LFOT ont un rôle particulier puisqu’ils seront premiers utilisateurs du contrôle à distance. Sont-il sondés ? Oui, une quotité de leur temps de travail est prévue pour avancer sur le projet. Sont-ils entendus ? Si le début des échanges était prometteur, un certain nombre de leurs demandes sont désormais traitées en mode « on va vous expliquer comment vous passer de ce que vous réclamez ». Une forme de défiance entre les contrôleurs « d’essai » et la cellule projet est donc en train de s’installer. Les atermoiements sur des questions simples de bascule sur le balisage et sur les téléphones en sont les exemples. Quant aux questionnements sur les relèves AFIS/contrôle, ils n’ont toujours pas de réponses.

Une méthode, des objectifs en question

Le centre RTC de Leipzig opère le contrôle à distance des terrains d’Erfurt, Sarrebruck et Dresde en étant équipé du matériel Frequentis. Les contrôleurs de Tours ont été invités à visiter les installations allemandes. De nombreux constats en retour parmi lesquels :

  • le matériel de Leipzig et les méthodes de travail associées ne seront pas implémentés à Blagnac. En particulier, il n’a pas été jugé bon d’acheter un outil de base utilisé par les contrôleurs allemands, le tracking automatique, que les contrôleurs de Tours réclament pourtant. Alors que l’atelier meuble a débuté, des choix différents de la version allemande subsistent quant à la position des écrans PTZ. Enfin si la solution allemande apporte de vraies plus-values par rapport à l’existant (vision nocturne par exemple), celle de la DSNA n’en propose aucune ;
  • la version française introduit un souci non résolu, de masques sur les taxiways ainsi qu’un hot spot, mal visualisé, sur le parking civil. Sans parler de la visualisation courbée de la piste et des taxiways
  • le matériel hors visualisation à Leipzig est un matériel moderne, adapté à la gestion en remote (stripping électronique et bonne intégration de divers outils, par exemple). Ce ne sera pas le cas à Blagnac où sera fait du neuf avec du vieux en utilisant le peu ergonomique CADAS et une vieille chaine radio-téléphone (on notera au passage que la promesse d’implémenter la nouvelle chaîne CATIA semble s’être dissoute en moins d’un an…).

Sans expérience sur la thématique remote, la cellule projet s’est donc lancée dans l’achat incomplet d’un produit existant plutôt que de jouer la prudence en profitant des travaux des Allemands. En quelque sorte, la DSNA a inventé le concept d’achat sur demi-étagère… assorti, pour corser l’affaire, d’objectifs irréalistes en termes de date de MESO et de budget.

Conditions sociales absentes, développement technique sujet à contreverse, besoins des contrôleurs mal pris en compte, réelles questions de sécurité : le SNCTA exige une pause dans le projet RTC, une remise à plat des éléments structurants défaillants ainsi qu’une intégration bien meilleure de l’expertise contrôle. Faute de quoi, le SNCTA s’opposera frontalement au RTC Blagnac.