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Contraintes politiques ou opérationnelles ?

21 mars 2021

Un an après le premier confinement, la crise sanitaire et ses conséquences sur l’aérien se poursuivent. Dans un contexte particulièrement fragile pour la DGAC sur les plans économique et social, la recherche d’une sortie de cette double crise est nécessaire.Le SNCTA constate que la réponse est encore loin et poursuit sa défense des enjeux opérationnels et sociaux.


Préparation de la reprise

Le CT DGAC du 17 mars a présenté la stratégie de sortie de crise de la DGAC qui s’articule autour de trois axes principaux :

  • la transition écologique de l'aviation ;
  • la sécurité, la sûreté et la résilience ;
  • l’efficience, la productivité, l’agilité et l’innovation.


Ce triptyque, qui constitue l’essence même de la DGAC, est naturellement partagé par l’ensemble des représentants des personnels. En outre, le SNCTA rappelle que si les considérations politiques et sociétales relatives à l’environnement sont aussi fortes que légitimes, elles doivent s’intégrer dans la mission première des contrôleurs aériens que constitue la sécurité des vols.

La transition écologique est une priorité forte qui doit rester au service de la sécurité, priorité absolue des contrôleurs aériens.

Au vu des incertitudes liées à la période actuelle et à l'imprécision des prévisions de trafic, la DGAC ne détaille pas, à ce stade, les moyens et réformes associés à ces orientations. Pour autant, le recrutement de contrôleurs aériens pour le concours 2021 est partie intégrante de ces moyens. Le SNCTA, appuyé par les autres syndicats représentatifs des contrôleurs aériens, en a rappelé l’importance dans sa déclaration liminaire.


Dialogue social et volte-face

La DGAC s’est engagée à respecter un « dialogue social de qualité » et à restaurer « une relation de confiance ». Derrière ces mots, les faits ne sont toujours pas là et la situation continue de se dégrader. Les exemples sont multiples, le dernier en date étant celui des recrutements 2021.

Il y a encore quelques semaines, la DGAC annonçait conserver le recrutement de deux promotions sur le concours CCINP 2021. À défaut des quatre initialement prévues dans le Protocole avorté, cette réduction s’expliquait par l’impact de la crise sur le trafic et sur la capacité de formation de l’ÉNAC ; aussi, celle-ci devait conserver son « plein régime » au regard du décalage lié à sa fermeture durant le premier confinement. Ceci constituait la dernière position officielle, concertée, expliquée et même transmise à la banque de concours.

Il y a quelques jours, la Direction notifiait aux représentants des personnels en réunions bilatérales, le passage de 60 lauréats à 16 sur l’année 2021. Aucune objectivation, aucune concertation, aucun passage dans une instance officielle. Ces annonces étaient-elles au stade de pistes ou de décision ferme et unilatérale de la Direction ?

Ce flou général généré par un dialogue social déstructuré a finalement été levé hier par la publication d’un arrêté confirmant 16 recrutements sur le concours externe 2021 (par filière : 6 MP,  6 PC,  4 PSI) ainsi que 2 postes pour chacun des concours interne, examen et sélection professionnels par application des pourcentages du décret statutaire. Le Journal Officiel s’est donc substitué aux comités techniques.


Une pyramide des âges inquiétante

Depuis plusieurs années, le SNCTA alerte la Direction et les Pouvoirs publics sur la nécessité de recruter pour compenser la pyramide des âges particulièrement inquiétante en fin de décennie.

2029-2036 : un tiers du corps ICNA part à la retraite.

Ces départs massifs liés aux recrutements des années 90 décidés avec le SNCTA en concertation protocolaire de l'époque, doivent s’anticiper et une réponse objectivée doit être apportée. Cette problématique n’est pas nouvelle et est indépendante de la crise actuelle. Elle est défendue depuis longtemps par le SNCTA qui avait su sensibiliser l’ensemble des acteurs aéronautiques notamment lors des Assises du Transport aérien.


 

Alors que la DGAC indique vouloir « préserver les emplois et les compétences pour préparer les entreprises du secteur aéronautique au retour à l’activité et à la concurrence » et « maîtriser la performance à court et moyen terme de la navigation aérienne », elle doit concrétiser ses choix politiques par un niveau de recrutement à très court terme à la hauteur des enjeux opérationnels et des départs en retraite à venir.

Le SNCTA attend de la DGAC qu’elle continue de défendre les besoins opérationnels face à des contraintes politiques et budgétaires inadaptées.


Une marge de manœuvre trop étroite

La crise sanitaire et économique a un impact majeur sur le secteur aérien, chacun en conviendra. Les scénarios de reprise, présentés par Eurocontrol, servent de base aux travaux de la DGAC, qui, dans le même temps, en conteste la fiabilité.

 

La réalité des prévisions se trouve quelque part entre ces trois scénarios. Ceux-ci prévoient tous un retour à un niveau du trafic équivalent à celui de 2019, à un horizon allant de 2024 à 2028 dans le cas du troisième scénario, c’est-à-dire en l’absence de vaccin efficace. Notons que les autres prévisionnistes convergent vers ces hypothèses et excluent les scénarios de décroissance.

Triste consolation, les quatre années de croissance du trafic perdues entre 2020 et 2024 sont l’occasion de combler le déficit criant d’effectif de contrôleurs aériens. Aussi, en 2025, ce sont près de 200 ICNA qualifiés supplémentaires dont la DSNA disposera par rapport à 2019, année catastrophique. Cette remontée est essentiellement due aux recrutements du Protocole 2016 et à ceux de l’année 2020, obtenus par le SNCTA hors Protocole.

Pour autant, il est impératif de poursuivre cette dynamique car les élèves formés en 2022 constituent l’effectif qualifié de 2027. Fait notable lié au décalage des formations, ces élèves sont issus à la fois des concours 2021 et 2022, dont les lauréats entrent dans les deux cas à l’ÉNAC en 2022. Par conséquent, il faut regarder les niveaux de recrutement décidés à la fois sur 2021 et 2022, qui doivent s'inscrire dans une politique permettant de ne pas manquer d’effectif à la fin de la décennie.

Le SNCTA alerte la DGAC :

  • des recrutements 2021/2022 trop faibles n’auraient de sens que dans le cas du scénario le plus pessimiste. Même dans ce cas de figure, cela nécessiterait sur les années suivantes le recrutement de cinq à six promotions par an uniquement pour compenser les départs à la retraite ;
  • dans le cas des autres scénarios où la reprise serait plus forte, les recrutements 2021/2022 devront être d’un niveau suffisant dès 2022. La modernisation technique, au calendrier incertain, et l’augmentation de la performance que met en avant la DGAC ne suffiraient pas à rendre le niveau de service public visé par la DSNA.


Le SNCTA s’inquiète des conséquences de la décision unilatérale de la DGAC de ne recruter que 16 élèves en 2021. La seule marge de manœuvre pour répondre à la fois aux enjeux de trafic et aux départs en retraite des ICNA sera le niveau des recrutements en 2022 ; cette fenêtre est désormais étroite, la DGAC ne devra pas la rater pour pouvoir répondre à coup sûr aux scénarios de reprise haut ou médian.

En anticipant un « scénario du pire », la DGAC se met d’office dans une difficulté future pour réagir.


L’expérience du passé

Le Protocole de 2013 est le seul protocole que le SNCTA n’a pas signé dans l’histoire de la DGAC ; il matérialisait une erreur stratégique majeure, notamment en matière de recrutements ICNA. Couplé au non respect des recrutements du Protocole 2010 suite à la dénonciation de celui-ci par les organisations confédérées, qui oublient régulièrement de le mentionner, les effectifs ont manqué de manière criante à compter de 2015. Plusieurs années après, la DSNA a finalement reconnu cette erreur de gestion en déclarant dans la presse écrite « être allée trop loin ».


La situation de la DGAC est inédite et grave, tant du point de vue économique que social. Alors que la gestion de la crise et ses perspectives de sortie ne peuvent se faire sans concorde, le dialogue social est mis à mal. L’objectivation des chiffres est pourtant indispensable à l’adhésion des personnels. Pour que les décisions soient prises en responsabilité à la lumière des enjeux liés à la crise et de leurs conséquences sociales et opérationnelles, le SNCTA appelle à un sursaut de la DGAC.